Message#13 » dim. 18 déc. 2016 18:27
Yzeure et Roarik prirent leur mal en patience. Dans l'auberge l'ambiance prenait une autre dimension à mesure que le soir avançait. Aux petites tables, les locaux commençaient à parler de plus en plus fort à mesure que leurs chopes se vidaient, les deux grandes tablées voyaient les plats défiler ainsi que les plateaux garnis de verres pleins, les rires avaient envahi la salle commune et enfin quelques ménestrel étaient venus s'essayer sur l'estrade. Un premier, fort jeune et sans doute inexpérimenté, avait tenté d'apporter de l'ambiance avec quelques chants populaires, accompagné de sa cithare. Les convives avaient tendance à embrayer aussitôt dès les premières paroles et vu qu'ils "chantaient" ou plutôt ciraient plus fort, il devenait impossible d'entendre le pauvre bougre. Après une petite demi-heure de vaines tentatives, il avait fini par baisser les bras et allait s'en aller lorsque l'aubergiste le retint pour tout de même lui offrir le repas. Même s'il n'avait pas percé ni fait quelque chose d'extraordinaire, il avait participé à générer une ambiance festive parmi les locaux ou même les voyageurs aux grandes tables qui avaient tapé du poing sur la table ou du pied sur le plancher.
Un second ménestrel avait ensuite succédé et s'était mis à clamer des phrases dans un langage très riche en vocabulaire, le tout devant raconter sans doute une sorte d'histoire avec des phrases en rimes qui commençaient souvent par de grands "Ô". Il faisait des grands gestes et élevait la voix pour passer par dessus le brouhaha ambiant jusqu'à ce qu'un premier projectile retomba non loin de lui sur l'estrade, puis quelques voix qui s'élevèrent pour faire cesser cette torture cérébrale puis une pluie de projectiles avaient suivis. Le ménestrel avait très vite compris que ce qui sans aucun conteste devait plaire à la tablée d'un seigneur ayant quelques éducations, n'avait guère sa place dans une auberge populaire. Il s'esquiva assez vite avec un air outré et pestant envers les rustres et les manants ignares et barbares, avant même que l'aubergiste puisse le retenir.
Enfin un troisième ménestrel était monté sur l'estrade. L'homme portait une de ces capes à grande capuche qui lui redescendait sur les yeux. Il s'était mis dans un coin, assis sur un tabouret et avait commencé à jouer de son luth. Dès les premières notes, une sorte de mélancolie s'empara des auditeurs, puis sa voix douce et mélodieuse s'éleva, perçant le tumulte local pour atteindre chaque personne présente comme si elle se frayait un chemin entre les verres qui s'entrechoquent, les rires gras et avinés, les éclats de voix, etc. Le ménestrel se faisait quelque peu oublier mais sa musique et sa voix étaient tout de même perceptibles. Ceux qui y prêtaient attention ne comprenaient goutte de ce langage étranger mais cela les plongeait comme dans un rêve et se sentaient transportés dans une sorte de voyage fantastique. Le calme, la paix, la sérénité, tout invitait au repos et à l'apaisement. C'était extraordinaire.
Roarik et Yzeure furent appelé au moins deux fois pour sortir de leur rêverie. C'était leur tour et un homme d'âge moyen étirait le rideau pur les inviter à entrer. L'homme était brun, les yeux gris, plutôt de grande taille et relativement fin. Ce n'était sans aucun doute pas un guerrier. Ses vêtements étaient plutôt ordinaire mais propres et bien taillés, ce qui ne permettait pas de lui associer un quelconque métier ou profil, un visage agréable, il tirait le rideau d'une main et indiquait l'intérieur de l'autre main avec un sourire en regardant le duo nain et cavalière.
C'est votre tour - Fit-il pour la deuxième ou troisième fois.
L'espace derrière le rideau était une petite pièce meublé en salon privé avec un être de cheminée sur le côté devant lequel on avait étalé un grand tapis aux couleurs vives dans les plus purs styles keleshites. Il supportait une table basse et trois fauteuils confortables. L'autre partie de la pièce était occupée par une table pouvant accueillir jusqu'à six personnes. L'homme assis derrière avait disposé les cinq autres chaises en arc de cercle en face de lui, la table lui servant de bureau improvisé. Il se leva à l'entrée de Roarik et d'Yzeure, leur désignant les chaises devant d'un large geste de la main - Je vous en prie, prenez place. Il s'inclina devant eux et attendit qu'ils soient assis pour à son tour s'asseoir. Il devait avoir la quarantaine bien tassée, assez grand, large d'épaules, plutôt bien portant, la peau séchée par les incessant voyages en extérieur, une chevelure d'origine blonde cendrée qui virait au blanc avec l'âge, fournie coiffée en arrière et maintenue en catogan comme les guerriers, il semblait plutôt affable et souriait. Sur la table, plusieurs papiers s'étalaient d'une façon assez désordonnée en plusieurs tas, certains portant des écritures, d'autres encore vierges.
Il farfouilla parmi ceux-ci et en sortit deux pages. Puis il saisit la plume qui trempait dans l'encrier et leva le regard à nouveau sur le duo - Bien... Je suis Érig Guervirsen, maître de caravane et membre de la Guilde du Commerce du Nord. Je suppose que vous êtes là pour l'annonce que j'ai fait distribuer dans tout Augustana ? Alors présentez-vous et dites-moi pourquoi je dois vous engager plutôt qu'un autre. Aujourd'hui j'ai dû voir défiler pas moins d'une centaine de personnes, alors j'ai un large embarras de choix, voyez-vous ?